La Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg fermée pendant la période nazie (1940-1944)

L’épisode de la Deuxième guerre mondiale est considéré comme la pire période de l’histoire de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Pour la première fois de son existence, la Cathédrale fut désaffectée : plus aucun office, ni rassemblement s’y déroula, elle était devenue, pour reprendre une expression de Monseigneur Pierre Bockel, une sorte de tombeau…

La visite d’Adolf Hitler à la Cathédrale et l’interdiction du culte catholique en 1940

Le 19 juin 1940, les troupes du IIIème Reich pénètrent dans Strasbourg et un soldat d’une unité motocycliste hisse le drapeau à Croix gammé sur la flèche. Neuf jours plus tard c’est Adolf Hitler en personne qui se rend à Strasbourg, le 28 juin 1940, et visite en détail la Cathédrale en compagnie du Generalfeldmarschall Wilhelm Keitel, chef de la Wehrmacht, et d’Otto Meissner chef de la Chancellerie. Ce dernier affirme dans son témoignage: « Aucune cathédrale d’Europe n’est plus belle, aucune cathédrale du Reich plus allemande. Le Führer très ému resta longtemps plongé dans la contemplation des beautés architecturales de la Cathédrale. Il s’en fit expliquer tous les détails intéressants. »
À sa sortie de la Cathédrale, par le portail Saint-Michel (les portes de la façade étant toujours protégées par des sacs de sable entreposés à l’été 1939 pour protéger les sculptures), Adolf Hitler s’adresse aux soldats allemands présents venus le saluer sur la place du Château : « Was meinen Sie, meine Herren, wollen wir dieses Juwel Frankreich zuruckgeben ? » (Que pensez-vous Messieurs, allons-nous rendre ce joyau à la France ?) et les soldats répondirent « Niemals ! » (Jamais !). Le sort de l’Alsace et de Strasbourg était décidé.

C’est à la suite de cette visite qu’Adolf Hitler décida personnellement d’interdire le culte catholique à la Cathédrale. Il en informa lui-même le Gauleiter Robert Wagner à son quartier général près de Freudenstadt le 1er juillet 1940. Ce dernier, entièrement soumis à son Führer, publie le décret de fermeture officiel de la Cathédrale avec l’interdiction d’y célébrer des offices le 11 juillet 1940.

Le devenir de la Cathédrale

Le 25 juillet 1940 une note confidentielle de Martin Bormann, chef du parti Nazi, annonce que « le Führer désire transformer la Cathédrale en monument national à la gloire du peuple germanique ». Cependant il semble que les Nazis eux-mêmes soient divisés au sujet du devenir de l’édifice. Certaines voix estiment que retirer tout culte chrétien à la Cathédrale provoquerait l’animosité de la population et mettrait à mal l’unité nationale si nécessaire en ce temps de guerre. Le 28 juillet 1940 le Gauleiter Wagner prend position dans ce débat et propose que la Cathédrale devienne un monument à la gloire des soldats allemands morts lors des batailles de la guerre tout en y permettant des cultes occasionnels de toute sorte. Mais, restant prudent, il propose que la décision définitive soit prise après la fin de la guerre.
Étant données les divergences de point de vue, Martin Bormann sollicite personnellement Adolf Hitler sur cette question le 6 août 1940. Ce dernier réaffirme sa volonté que plus aucun culte chrétien d’aucune sorte ait lieu à la Cathédrale et qu’elle devait être transformée en monument national à la gloire du peuple allemand. Cependant, craignant que cette décision provoque des réactions trop brutales de la population, le Ministère des cultes du IIIème Reich publie un décret le 24 août 1940 qui confirme l’interdiction du culte catholique mais affirme que la décision définitive sur le devenir de la Cathédrale sera prise à la fin de la guerre.

Les tentatives d’opposition et la délivrance

Durant  la guerre, les paroissiens de la Cathédrale devront se rendre à la chapelle du collège Saint-Étienne et c’est dans cette même chapelle que sera installé l’archiprêtre Monseigneur Eugène Fischer en 1942. La même année le doyen du chapitre de la Cathédrale écrit une lettre à Adolf Hitler lui demandant de rendre la Cathédrale au culte mais aucune réponse ne lui fut envoyée.
En conséquence la Cathédrale reste fermée, les autorités nazies apposent des affiches sur les portes avec les mots suivants « en attendant des jours meilleurs, fermée jusqu’à la victoire ». Ces affiches resteront en place jusqu’au 23 novembre 1944 où elles seront symboliquement arrachées par les soldats de la 2ème DB.

Après la Libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944, l’un des premiers actes des Libérateurs fut de rouvrir la Cathédrale et d’y célébrer la messe. Monseigneur Pierre Bockel, alors aumônier de la Brigade Alsace-Lorraine, avait dit à plusieurs reprises son honneur et sa fierté d’avoir été le premier prêtre à pouvoir officiellement célébrer la messe dans la Cathédrale depuis 1940. Il avait aussi souligné la hardiesse de toutes les personnes présentes (y compris les agnostiques comme André Malraux présent à cette occasion) de pouvoir à nouveau chanter et louer Dieu dans la Cathédrale. Je le cite : « Strasbourg ruisselait de bonheur et de joie à ce moment-là ».  
Comme un signe de prédilection, il sera nommé archiprêtre de la Cathédrale en 1966.

L’épisode le plus sombre de la Cathédrale s’acheva malgré tout dans la joie et la délivrance comme l’illustra Monseigneur Charles Ruch dans sa prière qu’il récita dans la Cathédrale en présence du général Jean de Lattre de Tassigny, le 17 avril 1945, à la suite d’un Te Deum solennel.

« O Jésus, puisqu’on vous avait chassé de ce Temple et que nos armées nous l’ont rendu, vous êtes donc bien avec ce général, ces officiers, ces soldats, le grand Sauveur de ce jour que nos âmes glorifient. Magnificat anima mea Dominum. Ainsi soit-il. »

 

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